Définition / Introduction
Le molybdène (symbole chimique Mo, numéro atomique 42) est un oligo-élément essentiel pour les êtres vivants. Découvert en 1778 par le chimiste suédois Carl Wilhelm Scheele, le molybdène ne se trouve pas libre dans la nature mais sous forme de minéraux, notamment la molybdénite (MoS₂). C’est un métal de transition, proche chimiquement du tungstène.
Le molybdène est cofacteur d’enzymes clés intervenant dans de nombreuses voies métaboliques : transformation de l’azote, métabolisme du soufre, détoxication des dérivés azotés. Chez l’homme, il est indispensable au bon fonctionnement de quatre enzymes principales, regroupées sous le nom de molybdoprotéines.
Source
Le molybdène est apporté par l’alimentation. Il est présent dans de nombreux aliments d’origine végétale et animale. Les principales sources alimentaires sont :
- Légumineuses (lentilles, haricots, pois chiches)
- Céréales complètes (avoine, blé entier)
- Abats (foie, reins)
- Produits laitiers
- Fruits à coque (amandes, noix)
- Eaux minérales (certaines eaux sont riches en Mo)
La teneur en molybdène des aliments dépend fortement du sol et des pratiques agricoles. Il est également ajouté sous forme de sel de sodium (molybdate de sodium) dans certains compléments alimentaires et dans l’alimentation animale.
Apport
L’European Food Safety Authority (EFSA) a conclu que les données disponibles sont insuffisantes pour établir une Référence Nutritionnelle pour la Population (RNP) et ainsi a proposé un Apport Satisfaisant (AS) en 2013. Les besoins en molybdène varient selon l’âge et l’état physiologique, mais il n’y a pas d’indication pour assumer qu’il y a des différences en besoin lies au sexe. L’EFSA a également confirmé la Limite Supérieure de Sécurité (LSS) en 2024. L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES) a proposé en 2021 des AS supérieurs et des LSS légèrement différentes.
Tableau. Références nutritionnelles pour le molybdène.
Age |
AS (µg/jour) |
LSS (µg/jour) |
|
EFSA |
Anses |
EFSA |
Anses |
0 – 6 mois |
– |
2 |
– |
– |
7 – 11 mois |
10 |
30 |
55 |
– |
1 – 3 ans |
15 |
35 |
100 |
100 |
4 – 6 ans |
20 |
65 |
200 |
200 |
7 – 10 ans |
30 |
75 |
250 |
250 |
11 – 14 ans |
45 |
80 |
500 |
400 |
15 – 17 ans |
65 |
80 |
600 |
500 |
>18 ans |
65 |
95 |
600 |
600 |
Femmes enceintes |
65 |
95 |
600 |
600 |
Femmes allaitantes |
65 |
95 |
600 |
600 |
Rôle
Le molybdène est essentiel au fonctionnement d’enzymes dites molybdoprotéines, qui ont besoin du cofacteur molybdène (MoCo) pour être actives. Les principales enzymes humaines contenant du molybdène sont :
- Sulfite oxydase : détoxifie les sulfites en sulfates.
- Xanthine oxydase : convertit les purines (xanthine et hypoxanthine) en acide urique.
- Aldéhyde oxydase : participe au métabolisme des aldéhydes.
- Mitochondrial amidoxime reducing component (mARC) : impliqué dans le métabolisme de médicaments et autres composés azotés.
Le molybdène joue donc un rôle dans :
- Le métabolisme des acides aminés soufrés
- Le catabolisme des purines
- Le métabolisme des médicaments et toxines
- La détoxication hépatique
- Le système antioxydant indirectement (via la xanthine oxydase)
Compte tenu des interactions entre molybdène et cuivre, le tetrathiomolybdate d’ammonium est proposé dans différents pays pour le traitement de la maladie de Wilson.
Métabolisme
Absorption : Le molybdène est bien absorbé (85 à 95 %) dans l’intestin grêle, principalement sous forme de molybdate (MoO₄²⁻). L’absorption est fonction de la dose ingérée, du régime alimentaire, du statut nutritionnel.
Transport : Dans le sang, il circule lié à l’albumine et d’autres protéines plasmatiques et est rapidement capté par le foie et les reins.
Utilisation : Il est activé dans les cellules via la synthèse du cofacteur molybdène (MoCo), un complexe organométallique inséré dans les enzymes.
Excrétion : L’excès est éliminé principalement dans les urines, ce qui en fait un bon marqueur du statut corporel.
Carence
La carence en molybdène est extrêmement rare chez l’humain, sauf dans certaines situations cliniques :
- Nutrition parentérale exclusive sans supplémentation
- Maladie génétique très rare du déficit en cofacteur molybdène, conduisant à :
- Retard psychomoteur
- Convulsions sévères
- Encéphalopathie néonatale
- Accumulation de sulfites toxiques
- Acide urique sérique ou plasmatique effondré
- Diète très restrictive (par exemple végétalienne extrême non diversifiée)
Symptômes en cas de déficit :
- Neuropathies
- Troubles cognitifs
- Céphalées, fatigue
- Augmentation du stress oxydatif
Toxicité
Le molybdène est peu toxique à doses usuelles. Cependant, une exposition chronique élevée (par exemple via une eau de boisson contaminée ou en milieu professionnel) peut entraîner :
- Troubles digestifs (diarrhées)
- Douleurs articulaires (pseudo-goutte)
- Hyperuricémie (excès d’acide urique)
- Troubles rénaux
- Interférence avec le métabolisme du cuivre (syndrome de carence secondaire en cuivre chez les ruminants, parfois chez l’homme)
Marqueurs biologiques et Statut
La concentration de molybdène dans le plasma et les urines peuvent être utilisées comme marqueur biologique du statut en molybdène mais les étapes pré-analytique et analytiques sont très délicate.
L’EFSA a conclu qu’il n’y a pas de marqueur fiable et valide pour déterminer le statut en molybdène.
Conclusion
Le molybdène est un oligo-élément indispensable au métabolisme humain. Bien que ses besoins soient faibles, il est crucial pour des enzymes jouant un rôle dans la détoxication, le métabolisme des purines et la gestion des composés soufrés. Les carences sont rares, tout comme les toxicités, mais son équilibre est important, notamment en lien avec le métabolisme du cuivre. Sa biologie est un bel exemple de l’importance des cofacteurs métalliques dans les enzymes humaines.
Références bibliographiques
Anses (2021) Les références nutritionnelles en vitamines et minéraux. Avis de l’Anses. Rapport d’expertise collective. https://www..anses.fr/fr/system/files/NUT2018SA0238Ra.pdf
EFSA (2013) Scientific Opinion on Dietary Reference Values for molybdenum. EFSA Journal, 11(8):3333.
EFSA (2024) Overview on Tolerable Upper Intake Levels as derived by the Scientific Committee on Food (SCF) and the EFSA Panel on Dietetic Products, Nutrition and Allergies (NDA). https://www.efsa.europa.eu/sites/defaults/files/2024-05/ul-summary-report.pdf
Contributeurs
Laurent Chavatte, Peter Van Dael, Josiane Arnaud