Définition / Introduction
Le sélénium (symbole chimique Se, numéro atomique 34) est un oligo-élément essentiel pour le bon fonctionnement de l’organisme. Il appartient à la famille de l’oxygène qui comprend également le souffre. Découvert en 1817 par le chimiste suédois Jöns Jacob Berzelius, le sélénium est un élément trace qui joue un rôle crucial dans de nombreux processus biologiques du fait de ces propriétés électroniques (quantiques, i.e. polarisabilité) particulières.
Même si son mécanisme d’action n’est pas complétement élucidé, le sélénium est principalement connu pour son rôle requis dans les enzymes séléniés. A ce titre, il est un élément trace essentiel antioxydant. Les enzymes séléniés sont des enzymes clefs de la défense antioxydante en particulier en extracellulaire, du contrôle du potentiel redox de façon ubiquitaire dans les cellules ; et du métabolisme des hormones thyroïdiennes.
Source
Le sélénium est présent dans le sol et est absorbé par les plantes, qui le transforment en formes organiques comme la sélénométhionine et dans le règne animal il est présent sous forme de selenocystéine et sélénométhionine, notamment chez les mammifères et les animaux marins. Ces formes sont assimilables par l’homme. Les sources alimentaires varient en fonction de la teneur en sélénium du sol. Les principales sources sont :
- Noix du Brésil : en général, une seule noix peut fournir jusqu’à 95 µg de sélénium, ce qui est proche des besoins quotidiens.
- Poissons et fruits de mer : Le thon, le hareng, les crevettes et les huîtres sont riches en sélénium.
- Viandes et abats : Le foie, les rognons et la viande rouge en contiennent des quantités significatives.
- Œufs : Particulièrement le jaune d’œuf.
- Céréales et graines : Le blé, le riz et les graines de tournesol, selon la teneur en sélénium du sol.
- Légumes : L’ail, les champignons et les brocolis peuvent en contenir, mais en moindre quantité.
- Produits laitiers : Le lait et le fromage.
La teneur en sélénium des aliments (animaux, plantes) dépend fortement de la géochimie des sols. Par exemple, certains sols en Amérique du Sud (notamment en Amazonie) ou les grandes plaines aux USA sont riches en sélénium. En Chine il existe des régions avec des sols très pauvres et très riches. Les sols en Europe sont plutôt pauvres voire particulièrement pauvres en ce qui concerne l’Europe du Nord (cf. illustrations). Néanmoins, l’élément trace sélénium étant vital chez les mammifères, il existe une adaptation et les carences mortelles sont rares.
Depuis plusieurs décennies, plusieurs méthodes de fortification de l’alimentation ou des sols ont été déployées sous diverses formes chimique du sélénium.
Apport
Les besoins en sélénium varient selon l’âge, le sexe et l’état physiologique. Due à la variabilité des données disponibles l’European Food Safety Authority (EFSA) a établi un Apport Satisfaisant (AS) pour le sélénium (2014). L’EFSA a également établie une Limite Supérieure de Sécurité (LSS) pour le sélénium (2023).
En France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) a également établi des références nutritionnelles pour le sélénium dans son avis de 2021. Les valeurs pour Apport Satisfaisants sont identiques à ceux de l’EFSA alors que les Limites Supérieures de Sécurité (LSS) sont légèrement différentes (Anses, 2021).
Tableau. Références nutritionnelles pour le sélénium.**
Age |
AS (µg/jour) |
LSS (µg/jour) |
|
EFSA/Anses |
EFSA |
Anses |
0 – 6 mois |
12.5* |
– |
– |
7 – 11 mois |
15 |
55 |
– |
1 – 3 ans |
15 |
70 |
60 |
4 – 6 ans |
20 |
95 |
90 |
7 – 10 ans |
35 |
130 |
130 |
11 – 14 ans |
55 |
180 |
200 |
15 – 17 ans |
70 |
230 |
250 |
>18 ans |
70 |
255 |
300 |
Femmes enceintes |
70 |
255 |
300 |
Femmes allaitantes |
85 |
255 |
300 |
*L’EFSA n’a pas établie une valeur pour les nourrissons de 0-6 mois.
**Ces valeurs peuvent varier selon les pays et les recommandations locales.
Rôle
Le sélénium est un composant essentiel de plusieurs protéines, appelées sélénoprotéines, qui jouent des rôles clés dans des réactions d’oxydorécuction de l’organisme. Les sélénoprotéines sont au nombre de 25 chez l’Homme et le sélénium, qui est présent sous la forme d’un acide aminé rare la sélénocystéine, est essentiel à leur fonction. Le rôle précis des 25 sélénoprotéines est encore en cours d’investigations, même si certaines comme les glutathion peroxydases, les thioredoxine réductases et les iodothyronine désiodases sont les plus caractérisées.
Le sélénium est impliqué dans plusieurs fonctions de l’organisme:
- Antioxydant :
- Le sélénium est un cofacteur de la glutathion peroxydase, une enzyme qui neutralise les radicaux libres et protège les cellules contre le stress oxydatif.
- Fonction thyroïdienne :
- Le sélénium est nécessaire à l’activité des iodothyronine désiodases, des enzymes qui notamment convertissent la thyroxine (T4) en sa forme active, la triiodothyronine (T3).
- Il protège également la glande thyroïde contre les dommages oxydatifs.
- Système immunitaire :
- Le sélénium stimule la production de globules blancs et améliore la réponse immunitaire.
- Il module l’inflammation et peut réduire le risque d’infections.
- Santé reproductive :
- Chez l’homme, le sélénium est essentiel à la spermatogenèse et à la mobilité des spermatozoïdes.
- Chez la femme, il joue un rôle dans le maintien de la santé reproductive.
- Protection contre les maladies chroniques :
- Des études suggèrent que le sélénium pourrait réduire le risque de certains cancers (comme le cancer de la prostate) et de maladies cardiovasculaires.
Les maladies génétiques liées au sélénium et aux sélénoprotéines sont souvent associées à des troubles neurologiques, musculaires, thyroïdiens et métaboliques. Bien que rares, ces maladies mettent en lumière l’importance du sélénium dans le maintien de la santé humaine. Le diagnostic précoce et une prise en charge adaptée (supplémentation en sélénium, hormonothérapie, etc.) peuvent améliorer la qualité de vie des patients.
Métabolisme
Le métabolisme du sélénium est complexe et implique plusieurs étapes : absorption, transport, utilisation et excrétion.
Absorption
- Le sélénium est absorbé dans l’intestin grêle sous forme de sélénite, sélénate ou sélénométhionine.
- L’absorption est efficace, avec un taux d’absorption d’environ 50 à 80 %.
- La présence d’autres nutriments, comme la vitamine C et la vitamine E, peut améliorer son absorption.
Transport
- Une fois absorbé, le sélénium est transporté dans le sang veineux porte vers le foie, principalement lié à des protéines plasmatiques comme l’albumine, la glutathion peroxydase 2 plasmatique et la sélénoprotéine P.
- Il est ensuite distribué aux tissus, en particulier au foie, aux reins, à la thyroïde et aux muscles.
- La sélénoprotéine P (SELENOP) est une protéine plasmatique principalement produite par le foie qui sert de transporteur de sélénium dans le sang. En effet, elle contient plusieurs atomes de sélénium par molécule. Sa mesure et celle du sélénium total dans le sérum ou le plasma et éventuellement dans le sang total sont souvent employés pour déterminer le statut en sélénium de l’organisme.
Utilisation
- Le sélénium est incorporé dans des sélénoprotéines, qui jouent des rôles clés dans l’organisme. Il semblerait que ce soit la principale forme biologiquement active du sélénium.
- L’excès de sélénium est excrété principalement dans l’urine (et l’haleine en cas d’intoxication). Dans les urines, on retrouve principalement des formes hydrosolubles (sélénates, sélénites, méthylséléniures, sélénosucres). Dans l’haleine, on retrouve principalement des composés volatils méthylés comme le diméthylsélénure, pour une élimination rapide et limiter la toxicité en cas d’apport trop important.
Carence
La carence en sélénium est rare dans les pays où les sols sont riches en sélénium, mais elle peut survenir dans les régions où les sols en sont pauvres (comme certaines parties de la Chine, de la Russie et de l’Europe). Les symptômes de carence incluent :
- Faiblesse musculaire et fatigue.
- Troubles thyroïdiens : hypothyroïdie, goitre.
- Baisse de l’immunité : susceptibilité accrue aux infections.
- Problèmes de fertilité : baisse de la qualité du sperme chez l’homme.
- Maladie de Keshan : une cardiomyopathie endémique observée en Chine, liée à une carence sévère en sélénium.
Les populations à risque incluent :
- Les personnes vivant dans des régions à faible teneur en sélénium.
- Les patients souffrant de malabsorption intestinale (maladie de Crohn, syndrome de l’intestin irritable).
- Les personnes sous nutrition parentérale prolongée.
- Les personnes ayant subi une chirurgie bariatrique.
Une alimentation végane non supplémentée en sélénium
Toxicité
La toxicité du sélénium, appelée sélénose, survient en cas de surdosage chronique (apports supérieurs à 400 µg/jour). Les symptômes incluent :
- Symptômes dermatologiques : perte de cheveux, ongles cassants, éruptions cutanées.
- Troubles gastro-intestinaux : nausées, diarrhée, vomissements.
- Symptômes neurologiques : irritabilité, fatigue, neuropathie périphérique.
- Odeur d’ail dans l’haleine : due à l’excrétion de composés volatils du sélénium.
La toxicité est rare et survient généralement en cas de supplémentation excessive ou de consommation excessive de noix du Brésil.
Conclusion
Le sélénium est un oligo-élément essentiel qui joue un rôle clé dans la protection antioxydante, la fonction thyroïdienne, la prévention des maladies cardio-vasculaires, l’inflammation chronique et la santé immunitaire. Une alimentation équilibrée suffit généralement à couvrir les besoins en sélénium, mais une attention particulière doit être portée dans les régions où les sols sont pauvres en cet élément. Comme pour tout nutriment, un équilibre est essentiel pour éviter à la fois les carences et les excès. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre son rôle dans la prévention des maladies chroniques.
Références bibliographiques
EFSA (2014) Scientific Opinion on Dietary Reference Values for selenium. EFSA Journal, 12(10):3846.
EFSA (2023) Scientific opinion on the tolerable upper intake level for selenium. EFSA Journal, doi: 10.2903/j.efsa.2023.7704
Anses (2021) Les références nutritionnelles en vitamines et minéraux. Avis de l’Anses. Rapport d’expertise collective. https://www..anses.fr/fr/system/files/NUT2018SA0238Ra.pdf
Contributeurs
Laurent Chavatte, Peter Van Dael, Josiane Arnaud